Création 2026 - en cours de production
Partie de Chasse
"Partie de Chasse" met en scène l'interrogatoire d'un colonel, un homme puissant et respecté, soupçonné de meurtres. Face à ce suspect hors du commun, un inspecteur de police va déployer des techniques particulières pour déjouer les apparences et renverser la dynamique sociale établie. L'interrogatoire se transforme alors en un terrain de jeu stratégique où les gestes et les mots prononcés sont minutieusement orchestrés pour traquer les mensonges et révéler la vérité.
En se basant sur l'affaire du colonel Russell Williams et en explorant les problématiques qui en émergent, "Partie de Chasse" aborde les notions de domination, de manipulation et de morale, dévoilant les mécanismes d’un système de prédation et les violences qui en résultent.
Distribution
Texte et dramaturgie Humphrey G Lebrun
Mise en scène Kristel Largis Diaz
Jeu et manipulation / 2 comédiens - 1 comédienne - 1 danseuse
Création vidéo Humphrey G Lebrun
Scénographie Cerise Guyon
Création lumière Juliette Besançon
Création sonore et musicale Frédéric Minière
Régie plateau en cours
Administration Nadia Mainson
Production La Vague Régulière & Cie
Soutiens DSN - Dieppe Scène Nationale, Le Vivat - scène conventionnée d’Armentières
Calendrier prévisionnel
2023/24
Du 10 au 15 juin - Résidence à la table à DSN- Dieppe Scène Nationale + Lecture le 14 juin
2024/25
Automne - Lectures à la SACD et à Rouen
Janvier / Février - Recherche 2 semaines de résidence labo en Normandie - Maquette
Avril - 2 semaines de résidence au Vivat, scène conventionnée d’Armentières - Maquette
2025/26
Automne - Recherche 2 semaines de résidence
Janvier / février - Recherche 2 semaines de résidence Mai / Juin - Recherche 3 semaines de résidence de création
Note d'intention
Je me suis toujours interrogée sur notre fascination pour les faits divers. Ces récits révèlent des violences inaudibles, mais curieusement, nous tendons l'oreille pour mieux les entendre, et nous ouvrons même l'œil pour les regarder. J'aime à croire que nous sommes tous animés par des pulsions, mais il est toujours plus facile de les observer chez les autres que de les admettre pour soi. Nous sommes constitués d'une multitude de désirs et de tourments, notre relation au monde n'est jamais manichéenne.
"Partie de Chasse" se présente comme une tragédie contemporaine et questionne notre condition, en observe les contradictions pour peut-être mieux les conscientiser dans notre vie intime et sociale. En cela, l'audition du colonel Williams est un terrain de recherche passionnant qui met en exergue les rapports de domination et de pouvoir. Elle porte en elle la dimension systémique dans laquelle ces féminicides s'inscrivent : un “prédateur” travaillant pour la société “chasse” le prédateur créé par la société et qui est en haut de la pyramide sociale. Il me semble essentiel de préserver ce duel d'homme à homme qui, par son aboutissement, renverse l'interaction sociale sans pour autant renverser le système : ce sont toujours des hommes qui enquêtent sur des hommes qui ont massacré des femmes, comme le note le cinéaste Dominik Moll dans La Nuit du 12.
La scène d'interrogatoire instaure immédiatement une tension dramatique. Le public devient le témoin placé derrière le quatrième mur. Il est en position d'observateur attentif. Dans cette confrontation, la mécanique des mots et des gestes est privilégiée. Les non-dits et les silences se chargent de sens, les actions et les paroles se répètent dans un dialogue réduit à sa dimension fonctionnelle, contraint par la reformulation des propos de l'accusé par l'enquêteur. La méthode REID est alors utilisée comme un outil de jeu. Elle est mise en évidence par le travail de répétition dans sa dimension à la fois théâtrale et rythmique.
Il me semble intéressant d'introduire des moments où nous pourrions basculer dans la vie passée du colonel. Ces contrechamps peuvent exister chaque fois que l'inspecteur quitte la salle d'interrogatoire, abandonnant ainsi le colonel à ses pensées. Nous découvrons comment une fascination pour les dessous féminins, initialement inoffensive, dérive progressivement vers des comportements violents puis meurtriers. Ce contrechamp théâtral, plus artificiel, dresse le portrait d'une toxicité enracinée dans les gènes de nos sociétés, influencées par une idéologie patriarcale particulièrement résistante. La femme devient un objet de consommation et est représentée par des mannequins de vitrine, dans une immobilité totale, incarnant à la fois la mort physique et symbolique, une déshumanisation et une aliénation généralisées. L'expérience théâtrale acquiert alors une dimension supplémentaire, mettant en contraste la vision du criminel avec la gravité des actes commis.
Parallèlement, l’inspecteur continue d’exister en salle dans des «hors-champs» qui dévoilent l’application de la méthode Reid et ses effets théâtraux sur le public. Cet enchevêtrement de points de vue recrée un système global où tous les mécanismes de domination sont à l’œuvre.
Derrière les codes du polar, "Partie de Chasse" prend des allures de fable, où éclate l'absurdité d'un monde de prédation vivant sous le poids d’une masculinité délétère. La pièce soulève la question de la fragilité des structures de pouvoir et de la tentation perverse qui les accompagne. Elle nous incite à remettre en question les normes établies, à examiner de près les dynamiques de pouvoir, les stéréotypes de genre et les mécanismes de domination qui se manifestent dans notre quotidien.
Kristel Largis Diaz